Doux requiem pour l'Abbé Pierre

Publié le par Pauline Tattevin

Une messe d’adieu à l’Abbé Pierre, décédé lundi 29 janvier, avait lieu le vendredi suivant à Notre Dame de Paris. Un hommage large et vibrant pour le prêtre des pauvres. En toute simplicité.

Il est onze heures, à Notre Dame de Paris. La cathédrale est pleine. Dans quelques instants, Monseigneur André XXIII, Archevêque de Paris, dira la dernière messe de l’Abbé Pierre. En une heure, la foule est arrivée et s’est installée autour de l’autel. Seuls les titulaires d’un badge ont pu se trouver une place assise dans l’édifice religieux. Les autres, très nombreux, suivront la messe du parvis de Notre Dame, sur deux écrans géants installés pour l’occasion.


À l’intérieur, les Compagnons d’Emmaüs occupent à eux seuls un millier de places. Jacky, un Français de 52 ans, est responsable du ramassage et des déménagements pour l’association en Allemagne. Après avoir passé les barrières de sécurité qui encadrent l’Ile de la Cité depuis tôt le matin, il tient à saluer une dernière fois l’Abbé : « Je suis venu d’Allemagne. J’ai vu quatre ou cinq fois l’Abbé Pierre et j’ai même été son chauffeur une fois. » Aux côtés des Compagnons d’Emmaüs, les membres de la famille d’Henri Grouès (c’est le patronyme de l’Abbé Pierre), des associations, élus et autres personnalités occupent le reste des chaises en osier.

À droite de l’autel, miraculeuse vision. Un responsable de l’Eglise orthodoxe serre la main à un membre du culte musulman. Ils sont bientôt rejoints par les représentants du Dalaï Lama. Dans la nef, Jamel Bourras semble très recueilli, Robert Hossein discute avec Laetitia Halliday, et les élus politiques font quelques sourires. Nicolas Sarkozy, ministre d’Etat, discute à voix basse avec Michèle Alliot-Marie à quelques encablures de Dominique de Villepin. Le Président de la République, ému, prendra place sur un fauteuil individuel, à droite de l’autel.
Laurence Parisot est assise à deux places de Bernard Thibaut, secrétaire général de la CGT. Présidente du Medef (Mouvement des entreprises de France), Madame Parisot est aussi présidente de l’IFOP, un institut de sondage. « Je me sens touchée à double titre par le décès de l’Abbé Pierre, déclare-t-elle. D’un côté, je mesure depuis des années comme c’est la personne la plus appréciée des Français. Et puis il a réussi à déplacer le regard des gens sur les autres. C’est formidable. Tout le monde n’est pas capable de le faire. »

"L'hommage sera de continuer son combat"

Ce matin, politiques et businessmen assistent à la même messe que les compagnons d’Emmaüs. Des organisateurs et agents de sécurité se pressent pour installer les derniers arrivants. Tout ce dispositif n’est-il pas trop en décalage avec l’image de simplicité diffusée toute sa vie par l’Abbé Pierre ?


« Nous sommes tous venus avec beaucoup d’émotion et sans se poser de questions », continue Laurence Parisot. « Nous sommes tous admiratifs devant la simplicité de cet homme. Je crois que le dispositif mis en place aujourd’hui est très simple aussi. »

De fait, seule une grande croix jaune et verte, posée au pied de l’autel, fait guise de décoration florale. Les gerbes de fleurs offertes par la Mairie de Paris et par les Compagnons d’Emmaüs, resteront devant le portail d’entrée. À droite d’une statue de l’Immaculée Conception, une photo de l’Abbé les mains jointes et les yeux vers le ciel pour unique illustration. Seules les caméras, disposées ci et là dans la cathédrale, « troublent » la nudité du lieu.

Dix heures et cinquante-neuf minutes. Le cortège funèbre s’avance sur l’Ile de la Cité. Un groupe d’enfants de chœur et de nombreux prêtres accueillent la berline couleur foncé. Le Père Guy Gilbert, qui a été décoré il y a moins d’un mois de la légion d’Honneur par l’Abbé Pierre est là. Il semble particulièrement ému. Le cercueil est extrait du véhicule. Et la foule applaudit. Deux longues et profondes vagues d’applaudissements qui provoquent l’envol d’une multitude de pigeons.

Une femme des Compagnons d’Emmaüs craque alors. Les larmes coulent sur son visage. L’abbé est porté dans la cathédrale, dans le silence. Juste un requiem en fonds sonore. Et puis les applaudissements retentissent encore, cette fois au cœur de la cathédrale. Du jamais vu. Enormément d’émotion. Le cercueil, sur lequel sont mises l’éternelle aube noire du prêtre et sa Légion d’Honneur, est posé au pied de l’autel.

Introduit par Monseigneur André XXIII, qui célèbre la messe, Martin Hirsch, président d’Emmaüs explique les dernières volontés de l’Abbé : « Si l’abbé Pierre a accepté cette messe à Notre Dame, ce n’est ni par vanité, ni par goût des honneurs, ni parce qu’il a tourné le dos à l’extrême simplicité. Mais parce qu’il espérait qu’en nous rassemblant tous ici cela donnerait une force supplémentaire au combat contre la misère et l’injustice. L’hommage sera de continuer son combat.»
Que la messe soit redite.

Publié dans Actu

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